Trop, c’est trop !
Depuis la crise sanitaire de 2020, les enseignants, déjà victimes d’un déclassement inexorable depuis des décennies, tant au niveau des salaires (25% de pouvoir d’achat perdus en 20 ans), des conditions de travail que de la considération portée à la profession, sont malmenés plus que jamais. Face à une inflation galopante, les promesses du candidat Macron d’une revalorisation inconditionnelle pour tous ont accouché d’une souris, avec l’infâme « Pacte » de Pap Ndiaye qui a l’indécence d’assimiler des heures supplémentaires à l’augmentation générale promise. Il ne s’agit en réalité que de pallier à moindre frais à la crise du recrutement, les heures supplémentaires étant rémunérées moins que les heures normales, d’accroître la charge de travail qui pèse sur les enseignants —une des rares professions qui n’a aucunement bénéficié du passage au 35 heures—, de rompre l’égalité entre les personnels et de briser les statuts.
Au lieu de revenir sur un désastre comme Parcoursup, le rouleau compresseur des réformes et des fermetures de postes se poursuit et s’accélère même, avec une mise en place de la réforme du collège en 6e prévue dès 2023, et pour la totalité du cycle 4 en 2024. Cette année doit voir la mise en place de la découverte des métiers dès la classe de 5e : au lieu d’y consolider des connaissances bien fragiles, le gouvernement planifie déjà de jeter une jeunesse sans diplôme, et donc taillable et corvéable à merci, sur le marché de l’emploi. Sans même parler de l’écœurante suppression d’une heure de technologie en 6e et du micmac inextricable que constituera l’intervention en collège de professeurs des écoles, de la mise en place du SNU et de son budget de 3 milliards qui seront prélevés sur celui de l’Education Nationale, ou de la précarité des AED et AESH.
Toutes ces remises en cause de nos statuts et de nos missions, sans aucune concertation, sont inacceptables. Dans ce contexte, le projet de réforme des retraites porté par le duo Macron-Borne est un coup de grâce. Les enseignants ont déjà dû travailler jusqu’à 60 ans, puis 62, et devraient maintenant aller jusqu’à 64 voire 67 ans, avec des charges de travail et des effectifs qui ne font que s’alourdir, et des moyens qui se réduisent comme peau de chagrin : c’est tout simplement insupportable.
Loin de constituer une mesure d’équité, la fin des régimes dits « spéciaux » qui verra le calcul du montant de nos retraites se baser non plus sur les 6 derniers mois de salaire, mais sur les 25 meilleures années, avec un taux plein de 50% du salaire brut au lieu de 75%, est au contraire une régression inique. Le mode de calcul du régime actuel est un acquis social indéniable qui compensait partiellement les différences de salaire béantes entre le public et le privé —à diplôme égal—, et sa remise en cause ne fera que renforcer les inégalités et diminuer davantage l’attractivité déjà en berne de la profession. La pénurie de candidats au concours ira croissante, et c’est bien la qualité et la pérennité du service public d’éducation qui sont en jeu. Tout le monde souhaite que ses enfants aient une « scolarité sereine et heureuse » et de qualité, mais tout le monde n’a pas la possibilité de les mettre à l’école Alsacienne : ce dilemme entre une école publique en ruines et une école privée sanctuarisée ne doit pas devenir la norme, mais les politiques gouvernementales y mènent tout droit.
Si nous ne voulons pas être réduits à l’alternative de nous tuer la santé au travail, ou d’être contraints de subir une décote de nos pensions à cause d’un départ anticipé à la retraite —surtout les femmes, majoritaires dans la profession et dont les carrières sont plus hachées—, il faut agir ! Face à un « management » par la violence et le mépris, qui érige le mensonge en mode de gouvernement et prétend faire passer ses crachats pour le crachin de la pluie, privilégiant les économies d’apothicaire à la préservation des services publics et à la prise en considération de la souffrance au travail, l’heure est à la mobilisation générale !
Chers collègues grévistes,
Le 19 janvier, la manifestation contre la réforme des retraites a rassemblé de 1 à 2 millions de personnes dans toute la France. Le 31 janvier, de 2 à 3 millions de personnes ont rejoint les cortèges de manifestations contre ce projet gouvernemental honni par l’écrasante majorité de la population : plus de 7 français sur 10 et de 9 travailleurs sur 10 sont opposés à cette réforme !
Les Professeurs des écoles, enseignants du secondaire et personnels des universités ont massivement participé à ce mouvement social d’une ampleur inédite en France. Des organisations syndicales comme le SNALC ont d’ores et déjà déposé un préavis de grève jusqu’à la fin de l’année scolaire pour maximiser l’impact des mouvements locaux.
La grève doit se poursuivre ! Car tant l’intransigeance du gouvernement à mettre en œuvre sa réforme envers et contre tous, qui confine au fanatisme, que sa fébrilité sont perceptibles, avec des déclarations grotesques comme celle du porte-parole du gouvernement Olivier Véran qui accuse les grévistes de vouloir causer une « catastrophe écologique, agricole, sanitaire voire humaine dans quelques mois ». Ce n’est pas le moment de lâcher prise mais de redoubler d’efforts ! Car seul le rapport de force peut faire plier un tel gouvernement.
Pour rappel, dans le secondaire et à l’université, nul besoin de se déclarer préalablement gréviste, que ce soit auprès de la hiérarchie ou même auprès des élèves & étudiants. Il n’est guère avisé de se priver d’une précieuse journée de salaire d’une part et d’en minimiser sciemment l’impact d’autre part en facilitant l’organisation des cours durant les journées de grève. Une grève vise à créer un blocage, et il n’y a rien de répréhensible à cela, bien au contraire ! Tant notre mobilisation que ses objectifs sont louables, et les élèves en seront les premiers bénéficiaires en cas de succès, les premières victimes en cas d’échec. Quoique bien intentionné, prévenir quiconque de sa qualité de gréviste est contre-productif, sauf lorsqu’il s’agit de susciter de l’émulation entre collègues.
Chers collègues non-grévistes,
Personne parmi les grévistes ne s’aviserait de vous jeter la pierre. Nous savons bien ce que représente une journée de salaire en moins sur un bulletin de paie d’enseignant, profession payée au lance-pierre. Nous savons également que des scrupules persistent toujours au vu du public des établissements scolaires –enfants et adolescents–, de l’importance de la mission d’éducation et de la volonté de boucler des programmes toujours plus chargés. Et nous savons enfin que les stratégies de lutte font rarement l’unanimité, contrairement aux objectifs de la mobilisation qui sont, pour leur part, largement consensuels.
Cependant, si nous ne défendons pas nos conditions de travail et que nous acceptons la paupérisation de notre profession, la fragilisation de nos statuts et le report de l’âge de départ à la retraite d’un métier déjà si épuisant, les élèves en pâtiront bien davantage. La défense de nos intérêts coïncide avec celle des leurs. La plupart des acquis sociaux ont été conquis par les luttes, les grèves et les blocages. Il n’y a pas d’autre solution crédible, surtout face à ce gouvernement.
A minima, nous vous demandons de ne pas neutraliser l’effet de la grève de vos collègues et de refuser de prendre en charge d’autres effectifs ou d’assumer d’autres missions que les vôtres, et de rejeter tout changement de votre emploi du temps : en somme, ne soyez pas des « briseurs de grève » ! Les preneurs d’otages ne sont pas les grévistes, mais nos gouvernants !
Tous dans la rue les 7 et 8 mars, et au-delà !
Par la Section SNALC de l’Académie de Clermont-Ferrand